CINÉMA – Impossible de parler du Joker sans évoquer son rire. Dans le film de Todd Phillipps, diffusé ce vendredi 11 septembre sur Canal+, Joaquin Phoenix endosse le costume de l’anti-héros, bien avant qu’il ne devienne l’ennemi juré de Batman. Et ses crises de rire rythment le long-métrage, déclenchant de la gêne, des moqueries ou de la peur autour de lui.
Loin des comics ou des traditionnels films de super-héros de DC, le “Joker” version 2019 est avant tout le portrait sombre d’un homme fragile psychologiquement qui ne trouve pas sa place dans la société. Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) vit avec sa mère malade dans un immeuble délabré. Il rêve d’une carrière dans le stand-up, mais officie comme clown dans une entreprise sordide. Jusqu’au jour où sa détresse se transforme en violence.
Au travail, dans les transports en commun ou sur les scènes ouvertes où il tente le soir de lancer sa nouvelle carrière, l’homme est victime de crises incontrôlées de rire, symptômes d’un handicap dont il souffre, qui perturbent ceux qui l’entourent. Et nous, spectateurs du film, avec.
Alors pourquoi ces scènes de fous rires nous mettent-elles tant mal à l’aise? Sans doute parce que le film “Joker” nous rappelle toute l’ambivalence du rire et son côté sombre auquel on est plus rarement confrontés.
“Le rire est une des manières les plus évidentes d’exprimer des émotions positives, explique au HuffPost David Le Breton, auteur d’une Anthropologie du rieur aux éditions Métailié. Mais dans des situations beaucoup plus rares, le rire peut être associé à des moments plus douloureux, plus tragiques.”
Les figures du rire sont innombrables, rappelle le sociologue et anthropologue qui lui a consacré un ouvrage. On peut rire de détresse, de mépris, rire pour remettre quelqu’un à sa place, ou rire dans un contexte raciste ou de harcèlement. Si Arthur Fleck dans le “Joker” souffre de ne pas contrôler ses crises de rire, elles sont pourtant interprétées de toutes ces façons par ceux qu’ils croisent.
“Le fou rire qui nous échappe est extrêmement perturbant. Il apparaît souvent dans des moments de grande tension intérieure”, détaille David Le Breton. À l’image de ce moment du film où celui qui n’est pas encore le Joker monte sur scène pour la première fois pour tester ses blagues devant un public. Ou lorsqu’un soir en rentrant du travail, il assiste à l’agression d’une femme dans le métro.
Rire dans une situation qui n’est a priori pas drôle déconcerte totalement ceux qui assistent à cette scène. Et cela est exacerbé lorsque celui qui rit a un maquillage de clown sur le visage. Le grand sourire rouge qui s’affiche sur la figure du personnage incarné par Joaquin Phoenix est une illustration supplémentaire de l’ambivalence du rire.
“Le visage défiguré de Jack Nicholson, qui lui conférait un rictus rieur dans le ‘Batman’ de Tim Burton renvoyait déjà au livre L’Homme qui rit de Victor Hugo”, précise David Le Breton au HuffPost. En effet, dans l’œuvre d’Hugo parue en 1869, Gwynplaine, mutilé enfant par des trafiquants, est sans cesse jugé sur ses traits abîmés, même lorsqu’il siège à la Chambre des lords.
“Cette transformation délibérée du visage pour afficher un air narquois vient perturber profondément les relations sociales, poursuit le sociologue. Les gens éclatent de rire en permanence parce que son visage contredit ce qu’il dit. Ce sourire dans des moments sérieux déconcerte les repères, déconstruit les situations.”
Et il en va de même pour le “Joker” dans cette histoire imaginée avec justesse par Todd Philips, dont le sourire rouge et le masque de clown cachent en fait un homme malade, perdu et en détresse.
À voir également sur Le HuffPost: La bande-annonce de “Joker” avec Joaquin Phoenix va vous donner le sourire
Tous les matins, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost
Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost, cliquez ici
Retrouvez-nous sur notre page Facebook
Abonnez-vous à notre chaîne YouTube
Avec la newsletter quotidienne du HuffPost, recevez par email les infos les plus importantes et les meilleurs articles du jour.
En savoir plus