POLITIQUE – Même la Cour des comptes est arrivée à ce constat: chiffrer précisément la fraude sociale en France n’est pas possible. Premier président de l’institution, Pierre Moscovici l’a reconnu lors d’une audition mardi 8 septembre à l’Assemblée. Elle précédait de deux jours la publication d’un rapport sur le sujet. Mais celui-ci fera donc l’impasse sur un montant total, un an après qu’un rapport parlementaire a avancé une fourchette astronomique: entre 13 et 45 milliards d’euros. De quoi compliquer sérieusement la lutte mais aussi nourrir bon nombre de fantasmes.
Illustration avec un pan de ce sujet: le nombre de cartes Vitales en surnombre dans le pays. Celles-ci peuvent permettre à des assurés de multiplier les remboursements. Les estimations vont du simple au décuple et tous ceux qui se sont penchés sur la question parviennent à un chiffrage différent.
Le dernier en date est le rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale “relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales”. Dans Le Point ce mercredi 9 septembre, le député UDI Pascal Brindeau veut “mettre fin à la polémique”. À l’issue de plusieurs mois de travaux et à quelques jours de la publication d’un rapport, il assure qu’il n’y a pas 5 millions de cartes Vitales en trop, mais exactement 573.000. “Cela ne veut pas dire qu’il y a 573.000 fraudeurs, mais des cas de double détention, des doubles affiliations”, précise-t-il aussitôt.
L’évaluation de 5 millions venait de la Caisse nationale d’Assurance maladie en octobre 2019. Six mois plus tard, la Cnam avait fait un premier ménage dans ses fichiers. Lors d’une audition par cette commission d’enquête, la directrice de l’organisme, Mathilde Lignot-Leloup, parlait alors de 2,6 millions de cartes en surnombre; un chiffre obtenu en évaluant le nombre de porteurs potentiels (55,7 millions) et le nombre de cartes en circulation (58,3 millions).
Quant à Pierre Moscovici, il a demandé mardi à l’Assurance maladie de faire le tri parmi les 152.000 assurés sociaux détenant encore “plusieurs cartes Vitales actives”.
152.000, 573.000, 2,6 millions… S’ils avancent des chiffres différents, ces acteurs sont en revanche tous convaincus d’une chose: ce n’est pas parce qu’il y autant de cartes en trop en circulation que la fraude est proportionnelle. “Ce n’est pas parce qu’on a 2,6 millions d’écarts qu’on a plus de consommation”, reconnaissait Mathilde Lignot-Leloup en février devant les députés.
“Le problème, et ce qui pollue le débat, est qu’on est incapable de dire s’il y a eu fraude ou non. On ne peut pas démontrer qu’il y a eu fraude, et on ne peut pas démontrer qu’il n’y en a pas eu”, explique pour sa part Pascal Brindeau même s’il se dit convaincu qu’il y en a forcément.
On en revient au problème initial: identifier les cas potentiels de fraude. D’où la volonté qui apparaît chez plusieurs acteurs d’améliorer les outils au sein de chaque organisme, de décloisonner les fichiers pour renforcer les capacités de contrôle. “On est face à des systèmes d’information qui échappent à une vision globale, ne permettant pas le croisement des données entre les différentes administrations”, déplore ainsi sur LCP la députée LREM Carole Grandjean, vice-présidente de la commission d’enquête.
La Cour des comptes va émettre ce jeudi une liste de propositions. La commission d’enquête de l’Assemblée fera de même dans le courant de la semaine prochaine.
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