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World news – FR – « Apparences » : le charme discret de la bourgeoisie expatriée

Dans son nouveau film, Marc Fitoussi zoome sur la communauté des expatriés français en Autriche et, entre psychodrame et film noir, met en scène une fiction venimeuse qui rappelle l’univers du regretté Claude Chabrol. Une fiction où Karin Viard, une nouvelle fois, fait merveille.

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Ils ignorent les fins de mois difficiles et aiment afficher avec ostentation leur arrogance de parvenus. Henri, un chef d’orchestre internationalement renommé (Benjamin Biolay), et Eve, son épouse (Karin Viard), vivent à Vienne, en Autriche. Dans cet environnement privilégié où ils ne fréquentent que les magasins de luxe et les salons de thé plébiscités par la « bonne » société, Henri et Eve naviguent dans la félicité en compagnie de Malo, leur fils, et de leurs nombreux amis tout aussi nantis qu’eux-mêmes.

Mais derrière les apparences et le vernis outrageusement « bling bling » du duo, quelque chose ne tourne pas rond dans la vie de ce couple qui semble pourtant réglée comme le papier à musique. L’harmonie n’est qu’un leurre et quand Eve s’aperçoit que son mari, en proie à un ennui considérable dans son quotidien conjugal, entretient une relation adultère avec l’institutrice de leur gamin, elle décide de se venger. Une vengeance qui entraînera le couple dans une dégringolade sociale et une descente aux enfers morale dont il convient de ne pas dévoiler les rudes péripéties.

Marc Fitoussi – l’auteur, notamment, de La vie d’artiste et de La ritournelle – a dû se pencher sur les œuvres complètes du regretté Claude Chabrol, décédé il y a tout juste dix ans, quand il a rédigé le scénario du bien nommé Les apparences. On retrouve en effet dans ce film qui slalome entre comédie sociale et thriller paranoïaque certaines caractéristiques du metteur en scène du Boucher et de La cérémonie : ironie sarcastique, cruauté psychologique, goût pour les intrigues à multiples ressorts qui dévoilent la mesquinerie de protagonistes empêtrés dans leurs desseins inavouables.

Dans ce film venimeux, Marc Fitoussi s’amuse et nous amuse en épinglant les faux-semblants d’un couple miné par le mensonge et en radiographiant les innombrables ridicules d’une poignée d’expatriés qui communient sur l’autel désolant du snobisme. En parallèle, avec habileté, le metteur en scène entraîne le spectateur dans un tortueux récit à suspense où ses deux héros si discutables paieront le prix fort de leurs petits et grands arrangements avec la probité.

Au cœur de cette fiction acide, le personnage le plus intéressant se nomme Eve, une femme qui se démène tant mal que bien pour dissimuler aux yeux de ses contemporains ses origines familiales modestes. Dans la peau de cette héroïne qui souhaite à tout prix effacer son passé : Karin Viard, une actrice qui excelle dans les partitions ambivalentes et qui, depuis toujours, privilégie les aventures de cinéma singulières.

La comédienne, après avoir découvert la première mouture du scénario des Apparences, a incité Marc Fitoussi à aller plus loin encore dans la caractérisation ambiguë de cette héroïne prise au piège de sournois déterminismes sociaux et moraux. « Eve cherche en permanence à imiter ces expatriés qui ne cessent de se plaindre de leur « boniche » et ne songent qu’à afficher leurs signes extérieurs de richesse, explique Karin Viard. Elle vient d’un milieu défavorisé, elle n’ignore rien de la mouise et elle a d’autant plus la trouille d’y retourner. Chez elle, tout suinte la peur panique du déclassement. J’avais envie que cette peur qui obsède mon héroïne aille de pair avec son inquiétude de grande amoureuse, morte de trouille à la perspective de perdre son mari. Le fait qu’elle soit assaillie simultanément par ces deux angoisses renforce l’aspect dérangeant du film. Tant mieux. »

Cet « aspect dérangeant », cette cruauté acide, donne tout son prix à ce film vachard où les personnages, les principaux comme les secondaires, n’ont rien d’aimable et sympathique. Pas exactement le pedigree que plébiscitent d’ordinaire les grands argentiers du cinéma français… « Quand Marc Fitoussi et sa productrice démarchaient pour trouver des financements, raconte Karin Viard, on leur reprochait parfois que les personnages des Apparences ne soient pas « sympas ». Pour moi, ce n’est en aucun cas un argument pour déterminer l’intérêt d’un scénario. Que mon boucher ou mon boulanger soient « sympas », c’est primordial pour que je me rende dans leurs boutiques, mais, au cinéma, représenter des gens a priori pas « sympas » est une nécessité. Si tous les personnages étaient irréprochables, on s’ennuierait beaucoup en regardant les films ! ». On ne s’ennuie assurément pas en découvrant Les apparences, une fiction à la fois cocasse et grinçante qui rappelle que les personnages infréquentables, sur le grand écran, sont parfois les plus passionnants.

Les apparences, de Marc Fitoussi, avec Karin Viard, Benjamin Biolay, Laetitia Dosch… En salles le 23 septembre.

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SOURCE: https://www.w24news.com/news/world-news-fr-apparences-le-charme-discret-de-la-bourgeoisie-expatriee/?remotepost=320592

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