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Les propositions de l’expert camerounais Alain Symphorien Ndzana Biloa pour une meilleure fiscalité internationale

(Investir au Cameroun) – Le Covid-19 a en outre mis en évidence la nécessité pour les pays, en particulier ceux disposant de ressources financières modestes, de pouvoir mobiliser des impôts. Pour ce fiscaliste camerounais, cela nécessiterait un nouveau modèle de fiscalité internationale.

Agence Ecofin: Vous avez récemment publié un livre parlant d’une fiscalité 3G pour financer le développement. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce système?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Comme vous le savez, l’observation a été faite partout dans le monde. Les règles qui s’appliquent aux taxes internationales à partir d’aujourd’hui sont dépassées. Ces règles sont en fait le résultat d’un consensus international atteint dans les années 1920 après la Première Guerre mondiale. Les règles qui régissent aujourd’hui la fiscalité internationale sont donc soutenues par les institutions qui gouvernent le monde de la coopération internationale et il faut dire que ces institutions ont été mises en place après les deux premières guerres mondiales. Pour moi, la première génération est avant les deux premières guerres mondiales, quand il n’y avait pas du tout d’institutions coopératives ou de règles internationales partagées. Et c’est précisément la deuxième génération que des institutions de coopération ont été créées, conçues après les deux premières guerres mondiales pour permettre aux États de résoudre les problèmes communs auxquels ils sont confrontés. Pour moi, le système fiscal 3G est le conteneur de nouvelles règles fiscales internationales à mettre en place pour permettre aux États de mieux collecter les impôts, en particulier auprès des entreprises numériques et des multinationales engagées dans l’évasion fiscale.

Agence Ecofin: Quels seront les avantages concrets de ce système?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Concrètement, je propose de changer les règles et de soutenir ces règles avec une institution qui est seule responsable de la coopération internationale dans le domaine de la fiscalité, car comme vous pouvez le voir, elle est néanmoins curieuse. Les États ont mis en place des institutions coopératives dans tous les domaines, mais ont oublié le système fiscal qui leur permet néanmoins de percevoir leurs revenus et leur donne les moyens de payer, y compris les institutions internationales. Vous constaterez que ces États n’arrivent même pas à payer leurs cotisations à toutes les institutions dont ils sont membres. Je pense que c’est peut-être une omission et le moment est venu de créer une institution qui sera seule responsable de la coopération internationale en matière fiscale.

Il y a des institutions qui le font, mais d’une manière qui n’est pas encore précise. Nous avons l’OCDE en particulier, qui ne réunit pas tous les pays comme les Nations Unies. Nous avons aussi le Conseil économique et social, qui a un département réservé à la coopération internationale et fiscale, mais qui est lâche, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de détermination. Par exemple, le Conseil économique et social n’a pas les mêmes pouvoirs que le Conseil de sécurité des Nations Unies dans le domaine de la sécurité. Autrement dit, qui peut arrêter les règles et punir ceux qui ne les respectent pas. Il faut repenser la coopération internationale en matière fiscale et renforcer les rôles du conseil économique et social ou créer une institution qui reprendra donc les travaux déjà réalisés par le conseil économique et social et ceux de l’OCDE. .

Agence Ecofin: Vous dites aussi dans ce livre qu’il y a un paradoxe entre les incitations fiscales destinées à stimuler l’investissement et l’augmentation du volume des fuites fiscales. Comment comprendre ce paradoxe?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: En réalité, ce n’est pas un paradoxe, car vous verrez en fait que certaines incitations fiscales ne sont introduites que pour permettre aux multinationales d’éviter les impôts. Par exemple, vous avez mis en place des arrangements préférentiels dans ce que l’on appelle généralement la concurrence fiscale dommageable, c’est-à-dire des pays qui n’ont pas d’activité économique sur leur territoire et qui offrent des incitations fiscales aux entreprises qui exercent effectivement des activités dans d’autres pays. Ils leur offrent des incitations fiscales totalement distinctes de leurs économies.

Agence Ecofin: Comme pour prouver que vous avez raison, il y a l’ONG Tax Justice Network qui a publié le premier rapport mondial sur la justice fiscale en 2020. Ce rapport dit que l’Afrique perd chaque année 25 milliards de dollars à cause de l’évasion fiscale des multinationales et des riches. Partagez-vous cette estimation?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Tout le monde sait que l’Afrique perd beaucoup d’argent à cause de l’évasion fiscale internationale. Je n’ai pas les outils pour valider ou invalider cette estimation. Je pense que le réseau de Tax Justice est bien mieux équipé que moi. Mais ce sont des chiffres que je prends, tout comme il y a une estimation faite par Gabriel Zucman, un membre de l’équipe qui a publié un livre intitulé «The Hidden Wealth of Nations». Et dans ce livre, il a montré qu’en termes relatifs, l’Afrique perd plus de ressources dans l’évasion fiscale internationale que l’Europe. Parce que les recettes fiscales que les pays africains perdent dans l’évasion fiscale internationale représentent environ 40% du PIB. C’est relativement énorme.

Agence Ecofin: Quelle est votre opinion sur la fiscalité des multinationales dans le monde?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Mon point de vue est celui d’autres auteurs qui ont observé le comportement des multinationales à travers le monde. Les multinationales parviennent à transférer l’essentiel de leurs revenus vers des paradis fiscaux afin de ne pas payer d’impôt dans les pays où elles opèrent effectivement. L’évasion fiscale est presque ancrée dans l’ADN de la multinationale. Il existe des filiales qui ne sont créées que pour permettre à la multinationale d’éviter les impôts, qui n’ont rien à voir avec la production d’entreprise.

Agence Ecofin: Alors que proposez-vous dans votre livre pour sortir de cette problématique de la fiscalité des multinationales, qui s’internationalise aujourd’hui?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Nous devons changer les règles. Les règles permettent aujourd’hui de taxer les multinationales sur la base de chacune des filiales. Chacun des États impose la filiale établie sur son territoire sans égard au résultat global atteint par la société multinationale. Si vous commencez à observer les résultats d’une entreprise multinationale, vous constaterez qu’elle est généralement des bénéficiaires dans une poignée de pays, y compris les paradis fiscaux. Et dans la plupart des pays, en particulier les pays à fiscalité «normale»; ils sont assez courts. Il s’agit de changer les règles, de s’assurer que la multinationale est taxée sur tous ses résultats dans le monde et que la taxe est répartie entre tous les pays dans lesquels la multinationale opère. Ceci en tenant compte exactement des pourcentages de chiffre d’affaires ou d’investissement, d’emploi dans chaque pays. Parce qu’il y a des pays où les multinationales n’ont pas de réelles activités, mais c’est justement dans ces pays qu’elles font les plus gros profits, assez curieusement.

Le panel FACTI a publié son rapport final sur l’intégrité financière mondiale. Quels messages forts pouvez-vous apporter à ce débat?

Alain Symphorien Ndzana Biloa: Je partage déjà l’une des recommandations de la FACTI, notamment sur l’amélioration de la coopération fiscale internationale. L’intégrité financière est un ensemble de choses qui incluent nécessairement des données fiscales, car les impôts sont, en fait, la principale source de revenus des États. Et si nous mettons en place un projet de développement comme les ODD, les États s’appuieront inévitablement principalement sur les impôts. Par conséquent, tous les États ont convenu qu’à la troisième Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Addis Abela en juillet 2015, trois mois avant l’adoption des ODD, il est important de renforcer la coopération fiscale pour aider les États à réaliser leur potentiel. et d’optimiser leurs recettes fiscales.

Vous verrez que dans le programme ODD, il y a l’objectif numéro 17 qui fait référence à la revitalisation de la coopération dans le monde et dans le domaine de la fiscalité en particulier. Je dois dire qu’il y a déjà un suivi de cette conférence internationale avec l’Initiative fiscale d’Addis, avec certaines réformes déjà en place dans le monde, en particulier les travaux en cours au sein de l’OCDE. Ces travaux découlent des engagements pris par les États lors de cette troisième conférence internationale sur le financement du développement. Alors si je dois le résumer: changer les règles, renforcer la coopération en créant une institution sur laquelle reposera la coopération internationale dans le domaine de la fiscalité.

Interview par Idriss Linge



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