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Viviane Ondoua Biwolé : « Jean-Fabien Monkam peut légalement bénéficier d’un autre mandat PCA »

(Investir au Cameroun) – Cette consultante internationale spécialisée notamment dans la gouvernance a fait de l’application des lois de 2017 limitant le mandat des dirigeants sociaux des entités publiques son cheval de bataille. Mais compte tenu de la spécificité du statut juridique de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), elle estime que malgré un bail de 9 ans, son président du conseil d’administration (PCA) peut légalement bénéficier d’un autre mandat. Cependant, selon l’universitaire, cette situation au niveau administratif révèle une incohérence dans l’organisation stratégique du portefeuille de l’Etat qu’il convient de clarifier. explication.

Investir au Cameroun : Le président du conseil d’administration (PCA) de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) a convoqué une assemblée générale ordinaire le 21 juin 2022 avec le renouvellement de son mandat d’administrateur à l’ordre du jour. Comment comprendre une telle démarche alors que la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques indique que cette prorogation est « tacite » ?

Viviane Ondoua Biwolé : Votre question est pertinente et je comprends qu’elle nous concerne tous. En effet, selon la loi n°011/2017 du 12 juillet 2017, les administrateurs et les PCA sont automatiquement reconduits, il n’est pas nécessaire de tenir une assemblée générale pour renouveler les mandats. Toutefois, la SCDP, en tant que société opérant dans un environnement commercial international, est simultanément soumise à la loi précitée et à l’Acte uniforme Ohada révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, adopté le 30 janvier 2014. Conformément avec ce texte régional, le renouvellement du mandat de l’APC lors de cette assemblée générale est donc absolument nécessaire pour assurer la régularité et la légitimité de ses actions.

IC : Par ailleurs, la loi de 2017 stipule que la durée du mandat de l’APC n’excède pas 6 ans. Jean-Fabien Monkam est PCA depuis 2013. Peut-il légalement bénéficier d’un autre mandat ?

VOB : En réalité, à ce sujet, il y a conflit entre la loi que vous évoquez et l’Acte uniforme Ohada. Ce dernier texte ne limite en effet pas le nombre de mandats de l’APC. Juridiquement, en cas de conflit entre un texte international et un texte local, le premier prévaut. Jean-Fabien Monkam Nitcheu peut ainsi bénéficier légalement d’un nouveau mandat du PCA.

Au niveau administratif, cependant, cette situation révèle une incohérence dans l’organisation stratégique du portefeuille de l’État et un problème d’alignement de nos lois avec les textes internationaux ratifiés. D’autres divergences entre l’Acte uniforme et la loi de 2017 peuvent être relevées. Selon l’Ohada, il est normal qu’un PCA occupe ce poste ou celui d’administrateur ou de PDG dans deux autres structures, alors qu’en vertu des lois de 2017 il y a incompatibilité entre les fonctions de PDG et de PCA. Par conséquent, le PDG de la Sonara, qui est en même temps APC du Port autonome de Kribi, serait en règle, selon l’Acte uniforme Ohada, et en violation de la règle au regard de la loi camerounaise de 2017. Les entreprises sont alors confrontées à une « confusion managériale » qu’il convient de dissiper.

IC : Est-ce à dire que les entreprises publiques soumises à l’application de l’Acte uniforme Ohada ne peuvent appliquer la loi de 2017 que dans les dispositions qui ne sont pas contraires au texte supranational ?

VOB : C’est une question embarrassante pour moi car on observe une attitude instable de l’Etat. Elle applique dans les entreprises publiques, les prescriptions de la loi de 2017 et des décrets subséquents de 2019 en violation des dispositions de l’Acte uniforme Ohada, notamment en ce qui concerne la nomination des DG et des APC (par le Président de la République et non par le conseil d’administration), la politique salariale des acteurs sociaux (déterminée par le décret 322/2019 du 19 juin 2019).

En pratique, on constate que l’Etat fait prévaloir les lois de 2017 sur l’Acte uniforme Ohada ; ce qui est contraire à l’éthique juridique. Dans de telles circonstances, c’est lorsque les dispositions entrent en conflit que les entreprises sont obligées de se soumettre à la dictature de l’éthique dans le domaine. C’est une situation qui doit être résolue, l’État doit permettre à la loi de bien fonctionner. L’inconvénient qui apparaît clairement ici est la faible réflexion stratégique sur la gestion du portefeuille de l’État. Ce tracas juridique est contre-productif.

IC : De manière générale, quels sont selon vous les principaux défis à relever, après cinq ans de mise en œuvre des lois de 2017 sur les entreprises et établissements publics ?

PDB : Avant de relever les défis, il faut reconnaître que les lois de 2017 et les décrets d’application ultérieurs ont permis de limiter les dysfonctionnements survenus dans le secteur des entreprises et des établissements publics. Mais avouons que les défis restent grands. Ils sont juridiques, managériaux et stratégiques.

Juridiquement, l’affaire entendue aujourd’hui, qui n’est pas unique, mérite un arbitrage. En effet, l’Etat a dans son organisation la possibilité d’accorder à certaines entreprises le droit de déroger aux dispositions générales des lois de 2017. C’est par exemple le cas des universités dont le fonctionnement leur échappe par besoin d’efficacité. Ainsi, il existe plusieurs entreprises publiques, dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire (plus de 51%), qui sont exposées aux transactions sur le marché international et ne peuvent être soumises qu’aux dispositions de l’Acte uniforme Ohada. De cette façon, l’État peut réorganiser son portefeuille dans la souveraineté la plus absolue. Il semble donc que les lois de 2017 relatives aux entreprises publiques doivent être alignées sur les conventions internationales et régionales signées par le Cameroun, qui affectent le fonctionnement des entreprises dans certains secteurs d’activité.

IC : Et qu’en est-il de l’aspect administratif ?

PDB : En attendant l’apurement du portefeuille par l’Etat, il est urgent d’harmoniser les documents de nomination des acteurs de la société civile dont les affaires sont similaires à celles de la SCDP. En outre, le gouvernement n’a pas clairement indiqué comment la performance des entreprises et des institutions publiques est évaluée. Il est difficile d’imaginer que cette performance repose uniquement sur le chiffre d’affaires, d’autant que dans certains cas les sources de cet indicateur ne sont pas toujours issues de la production au sens économique du terme. La question de l’évaluation des DG et des DGA n’est pas résolue. Le « quitus » à la fin du concile reste un rituel.

IC : Qu’avez-vous observé au niveau stratégique ?

VOB : Dans ce chapitre, il apparaît que la contribution des entités à la politique gouvernementale n’est pas visible. Cinq ans plus tard, il serait intéressant de mener une étude pour s’assurer de l’alignement des activités du secteur public avec les politiques des gouvernements des États. Deux arguments confortent la crainte d’une contribution marginale. Après la réforme, il n’y a pas eu de changement dans la direction des entreprises. Entre-temps, les chocs ont été importants (Covid 19, guerre en Ukraine, etc.) et les réformes mises en œuvre par l’État exigent plus que par le passé une efficacité à la mesure des enjeux.

D’autres défis (et non des moindres) liés à la conduite du changement sont également à relever : l’alignement des entités publiques sur des outils et fonctions importés du secteur privé (audit interne, contrôle de gestion, budgétisation des programmes, comptabilité générale, analytique et matérielle, reddition de comptes, transparence…) ; résistance au changement; les jeux et problèmes des acteurs sociaux avec différentes controverses ; la mauvaise qualité du contrôle de gestion.

BC : Face à toutes ces difficultés, la vraie question n’est-elle pas aujourd’hui de savoir si la forme de gouvernement choisie pour les entités publiques camerounaises est adaptée à notre anthropologie politique et communautaire ?

APB : Une étude doit être menée pour évaluer l’efficacité de la réforme et corriger les dysfonctionnements identifiés. Il me semble urgent de revoir tous les mécanismes de gouvernance existants, l’application mimétique d’outils importés ne semble pas efficace. En effet, ces outils reposent sur des exigences qui n’ont pas été vérifiées au Cameroun. Il s’agit notamment de la sélection des managers sur la base de la concurrence et de leurs performances (la nomination reste discrétionnaire sans lien avec les performances) ; la séparation du contrôle et de la gestion (les cas d’ingérence dans la gestion par l’État par le biais du trust ou du conseil d’administration sont fréquents) ; la discipline du chef (les cas d’insubordination sont rejetés) ; la décentralisation de la responsabilité (seul le chef de l’Etat nomme et peut licencier tous les acteurs, le conseil d’administration n’a donc pas de réel pouvoir de dissuasion). Ces mécanismes de gouvernance ne sont pas soumis à la dictature de l’efficacité, mais aux caprices du politique.

Interview réalisée par Aboudi Ottou

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Source: Investir au pays

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