Paul Biya n’a pas voyagé en Europe en 2020, mais la Brigade anti-sardinarde (BAS) n’a pas abandonné le président de la République. Le 8 février 2020, l’activiste Calibri Calibro a mené un véritable coup d’État médiatique et diplomatique en interpellant publiquement le président français Emmanuel Macron sur la situation des droits de l’homme au Cameroun.
C’était au Salon de l’Agriculture de Paris. Le chef de l’Etat français avait promis de faire pression sur son homologue camerounais Paul Biya. Quelques heures après la déclaration de Macron, une députée française, Nadine Morano, s’est manifestée pour attaquer violemment le président français.
« Le président français est dangereux pour notre pays! », A écrit l’élu français sur Twitter. «Voyez comment il réagit avec une insensé imprudence à cet homme qui se fait passer pour un immigré camerounais clandestin sans connaître son identité ni ses véritables motivations. Quel amateurisme! », A protesté Mme Morano et publié la vidéo de l’échange surréaliste.
CameroonWeb, en coopération avec Jeune Afrique, vous propose les actions BAS en 2020
La vidéo de son échange avec le président français Emmanuel Macron a fait sortir Abdoulaye Thiam – dit « Calibri Calibro » – de l’ombre, qui s’est désormais imposé comme l’un des plus célèbres militants de la diaspora. Celui qui cristallise également l’essentiel des critiques.
Pour le gouvernement camerounais, il n’est qu’un « quidam ». Un « activiste » pour les médias. Et pour les farouches opposants au régime de Yaoundé, il a été un héros depuis qu’il a interrogé le président français sur la situation au Cameroun.
La vidéo de l’échange entre Abdoulaye Thiam – dit « Calibri Calibro » – et Emmanuel Macron le samedi 8 février est devenue virale et a déclenché la colère des autorités camerounaises. En particulier, on entend le président français réaffirmer son intention de « convoquer le président Paul Biya la semaine prochaine » et de « faire un maximum de pression pour mettre fin à la situation ».
La réponse de Yaoundé a été immédiate et massive. Le ministre de la Communication a conduit le premier acte d’accusation, bientôt suivi par le secrétariat général de l’Assemblée démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Enfin, la présidence de la République a fait une déclaration ferme. «Le président [Paul Biya] est seul responsable de ses actes devant le peuple souverain camerounais et non devant un dirigeant étranger, même un ami. Vous n’avez besoin d’aucune pression extérieure », peut-on lire en particulier.
Découvert par Brice Nitcheu et Patrice Nouma
S’ils insistaient tous sur la souveraineté nationale, toutes ces réponses avaient en commun le but du comportement de Calibri Calibro, accusé d’avoir tenté de saper les relations Paris-Yaoundé.
De son vrai nom Abdoulaye Thiam – son père est franco-sénégalais et sa mère camerounaise – Calibri Calibro était inconnu au Cameroun il y a deux ans. Sa première apparition publique en tant que militant remonte à juillet 2018 après des informations dans la presse sur les mauvais traitements infligés aux soldats camerounais impliqués dans la lutte contre Boko Haram à Zelevet dans l’extrême nord.
Calibri Calibro a ensuite improvisé une manifestation devant l’ambassade du Cameroun en France. Le mouvement a reçu très peu d’attention, mais l’activiste s’est démarqué parmi les leaders de la contestation contre le régime camerounais présent dans la diaspora.
Deux personnalités bien établies dans ce domaine l’ont alors contacté: Brice Nitcheu, fondateur de CODE (Collectif des organisations démocratiques et patriotiques des Camerounais de la diaspora), une organisation qui suit les mouvements du président Paul Biya en Europe, et Patrice Nouma, un militaire qui a quitté l’armée camerounaise et est devenu un manifestant.
Abdoulaye Thiam est arrivé en France en 2002, et c’est « l’horreur » qu’il a vécu lors de la traversée du Sahara et de la Méditerranée qui, à l’en croire, a fondé son engagement. « C’est la Libye qui a forgé le Calibri qu’on connait aujourd’hui », raconte-t-il. « J’y ai vu des centaines de Camerounais être tués. Il y a des milliers de Camerounais qui ont pris cette voie et la majorité y a perdu la vie. Moi-même j’ai subi les pires atrocités en Libye ».
Pour Calibri Calibro, le responsable, c’est Paul Biya, dont il fait sa cible principale. Une détermination qui se renforce encore au lendemain de la présidentielle de 2018, à l’issue de laquelle Paul Biya est proclamé vainqueur avec 71% des voix, au grand dam des activistes de la diaspora qui avaient activement soutenu Maurice Kamto.
Calibri Calibro fait alors évoluer sa stratégie. Plutôt que de ne cibler que Paul Biya, il s’attaque désormais également à ses soutiens. En France il milite pour le boycott des artistes camerounais qui ont soutenu la réélection du sphinx de Yaoundé, en particulier celles et ceux qui ont partagé la scène du grand concert de soutien qui avait été organisé au Palais des Sports de Yaoundé, à la veille du scrutin.
Cet appel au boycott marquera, également, l’acte de naissance de la « Brigade anti-sardinards », la « B.A.S. ». Ce collectif rassemblant plusieurs composantes de la sphère activiste camerounaise de la diaspora tire son nom des boîtes de sardines en conserves distribuées, avec un morceau de pain, lors des meetings du RPDC.
De Paris à Genève
Les actions se font aussi plus spectaculaires. Le 26 janvier 2019, on aperçoit Calibri Calibro dans une vidéo montrant des manifestants qui envahissent et saccagent l’ambassade du Cameroun à Paris.
C’est encore lui qui se trouve en première ligne lors des manifestations du 25 juin à Genève, qui avaient pour objectif clairement affiché de perturber le séjour du président camerounais et de son épouse dans la capitale helvétique.
Sur Facebook, la page officielle de la Brigade anti-sardinards – suivie par plus de 40 000 abonnés – est extrêmement active. Calibri Calibro y diffuse régulièrement des vidéos en direct au ton très dur, qualifiant notamment régulièrement le président camerounais de « dictateur génocidaire ».
Accusé de « se tourner vers le maître blanc »
À mesure que son influence sur les réseaux prend de l’ampleur, ses détracteurs se font également plus nombreux, et plus virulents. Et ces derniers ne se comptent pas uniquement dans le camp du président. L’opposant Célestin Djamen (MRC) lui reproche ainsi de « se tourner vers le maître blanc pour exiger la solution aux problèmes des Camerounais ».
Certains remettent également en doute sa nationalité camerounaise, affirmant qu’il est en fait Sénégalais, par filiation. Un argument que Calibri Calibo rejette. « Je suis un Camerounais et mon nom n’a rien à voir avec ma nationalité. Oui, j’ai des origines sénégalaises, mais je reste Camerounais comme Chantal Vigouroux (nom de jeune fille de l’épouse du président du Cameroun, Ndlr) qui est camerounaise bien qu’elle ait des origines françaises », martèle-t-il.
Autre critique récurrente : son activisme hors des frontières. Cavaye Yeguie Djibril, le président de l’Assemblée nationale, estime ainsi qu’un « bon anti-sardinards est celui qui a le courage de rentrer au pays, de venir dans un débat contradictoire confronter ses idées à celles de ses compatriotes ».
ref: www.camerounweb.com
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